« Une belle alchimie »

Du blues à la vielle à roue? Pas de batterie, mais une calebasse africaine? Qu’est-ce que c’est que ce groupe? C’est Hypnotic Wheels, un pari osé emmené Par Tia de Tia & The Patient Wolves, qui a fait sensation ce soir pour l’une de ses premières scènes dans le cadre du Seven Nights To Blues Festival.

Le Seven Nights To Blues Festival est, comme son nom l’indique, un festival de blues, qui en est à sa septième edition. Chaque année, l’association Nouveau Onde Blues se démène pour offrir une programmation de qualité, et cette année, place à la nouvelle génération sur le thème des «Enfants du Blues».

En guise de soirée d’ouverture, c’est le nouveau projet de Tia Gouttebel, Hypnotic Wheels, qui revisite les racines du blues de façon très originale, puisque c’est une formation guitare/vielle à roue/calebasse. On n’entend pas ça tout les jours, mais comme l’a dit Tia, la musique permet d’expérimenter, alors pourquoi se priver? Surtout quand on entend le résultat. On pense à Ry Cooder, Ali Farka Touré, Tinariwen…

[pullquote_left] »Et ça rend bien. Très bien même. On est dans les eaux boueuses du blues, contre toute attente… »[/pullquote_left]

ia Gouttebel est donc au chant et à la (superbe) guitare électrique. Grande brune, perchée sur ses haut talons, elle occupe avec classe et charme la gauche de la scène, Gilles Chabenat, le Jimi Hendrix de la vielle à roue à la discographie bien remplie, nous montre une autre image de cet instrument, électroacoustique. Enfin, Marc Glomeau est aux percussions, calebasse de la main gauche, mini clavier de la droite, tambourins aux pieds et diverses cymbales. Et même une kalimba à un moment.

Le concert a lieu à la salle André-Wauquiez à Saint-André-Lez-Lille, une salle très intéressante avec une belle acoustique. Le fond est garni de tables rondes, tandis que des rangées de chaises sont devant. L’ambiance est très familiale, tout le monde se connaît, mais il semblerait que le froid a freiné une partie du public, la salle est malheureusement loin d’être pleine. Et, comme on dit, les absents ont toujours tort… surtout ce soir.

Le président de l’association présente le festival, un programme très intéressant, on en reparlera sur ubikwit.net, avant d’inviter sur scène Hypnotic Wheels.

[pullquote_left] »Étonnant de voir comment un instrument si profondément européen se transforme en instrument oriental entre les mains expertes de Gilles Chabenat. »[/pullquote_left]

Ça commence avec Gilles qui installe une ambiance à la vielle à roue, très sombre pour un «Down In Mississippi» bluffant. Avec la description du groupe, on est curieux, forcément, de voir comment ça peut sonner. Et ça rend bien. Très bien même. On est dans les eaux boueuses du blues, contre toute attente… Le chant de Tia est magnifique, la belle est déjà connue pour son groupe Tia & The Patient Wolves, ils ont même remporté le prix Cognac Blues Passions l’année dernière. Tia, c’est une voix qui a la profondeur du blues, de l’émotion, mais aussi la sensualité et la classe. C’est aussi un jeu de guitare atypique, entièrement aux doigts, un peu de slide, beaucoup de pédale d’expression, comme elle le montre sur « Going Down South » de R.L. Burnside.

Le blues a souvent cette image de genre figé, avec toujours les mêmes riffs de guitare, le même rythme, et en plus c’est déprimant. Fallait venir voir Hypnotic Wheels. La calebasse, déjà, apporte un son de percussion chaud, la vielle à roue un son unique mais totalement à sa place. La guitare est présente, bien sur, mais juste ce qu’il faut. Bref, une belle alchimie.

«I Came On The Moon», une composition de Tia magnifique, précède le très émouvant «Grandma’s Hands», une reprise de Bill Withers aux accents soul. La encore, je suis conquis.

Autre reprise, de Nina Simone cette fois-ci, See Line Woman, un rythme excellent, entêtant, avec Marc qui assure les chœurs, un «Pretty Things» envoûtant précède un des meilleurs moments du concert avec la reprise de «Feeling Good» de Ry Cooder, dans une version transformée par un passage au Maghreb. Étonnant de voir comment  un instrument si profondément européen comme la vielle à roue se transforme en instrument oriental entre les mains expertes de Gilles Chabenat.

[pullquote_left] »Beaucoup ont interprété «Voodoo Child», mais j’ai rarement entendu une reprise aussi intéressante »[/pullquote_left]

On continue le voyage dans le monde du blues avec une reprise de Bo Diddley  Down Home Special», du grand art. On sent le groupe très pro, et le public, même s’il est peu nombreux, semble séduit.

Tia fait glisser le bottleneck sur le manche de son Epiphone, Marc joue de la kalimba pour un «Station Blues» qui fleure bon les rives du Mississippi, avant de passer du coq à l’âne avec une chanson assez connue… mais pas jouée comme ça. Beaucoup ont interprété «Voodoo Child», mais j’ai rarement entendu une reprise aussi intéressante. Loin du son blues-rock de l’original, Tia et Gilles, font un duel sur la mélodie intemporelle de Jimi Hendrix, c’est c’est absolument génial. On en redemande.

Ca tombe bien parce que c’est —hélas— déjà l’heure des rappels… Les trois musiciens reviennent au devant de la scène, pour un RnB a capella «Sometimes», avant de revenir pour un dernier rappel, une reprise de «Going Down South», toujours aussi excellente, saluée par une standing ovation.

Hypnotic Wheels est un groupe prometteur, qui sait donner une autre vision du blues, tout en restant authentique. Pari gagné ce soir à Saint-André, et on leur souhaite tout le meilleur pour la suite: un album, d’autres dates dans le coin pour patienter avant la sortie de ce dernier, des dates ailleurs pour propager la bonne musique, et le succès, parce qu’il est mérité! Un coup de cœur pour moi. Bravo et merci!

Maxime Lenglet, dans Ubikwit.net, 24 janvier 2013

Découvrez aussi la superbe galerie de photos de Maxime Lenglet lors de la soirée:

Hypnotic Wheels 7 Nights to the blues Ubikwit-net 130131